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Noël




Noël 1998, au siècle dernier. J'étais alors en mission à Sarajevo. Dans le gymnase d'une ancienne base de feue l'armée de l'air yougoslave, j'assistais à la messe de Noël. Des caporaux océaniens accompagnaient les chants avec leur ukulele, jouets dérisoires dans leurs paluches de rugbymen. L'assemblée chantait bien, nous étions heureux ensemble. Dehors il faisait -20 degrés. 

3ème ligne ?
En France, c'était le temps des vrais combats. Mon grand père allait vers sa fin dans un hôpital ripagérien. "J'ai mal quand je me meus" disait-il. Ses yeux bleu lavande souriaient.


Mais où sont les neiges d'antan ?
En France, mon père luttait contre le crabe depuis deux années déjà. A l'hôpital, il avait sympathisé avec l'aumônier catholique et commencé à faire la paix avec la religion des Pères sévères des pensionnats de Haute Loire, où les bourgeois lyonnais et stéphanois sous-traitaient l'éducation de leur progéniture.
Noël 1998. L'aumônier était de service à l'hôpital. Ses paroissiens d'un soir étaient venus dans leur fauteuil roulant ou sur leur lit médicalisé, plus rarement sur leurs pieds, pour entendre une parole de pauvreté et d'espérance. Cette homélie a bouleversé mon père et transformé ses derniers mois. Il  en a envoyé le texte à tous ses proches. Comme d'autres,  je l'ai reçu début janvier 1999, toujours à Sarajevo.

Noël 2015. La Bosnie, l'armée, c'est bien loin. J'ai conservé ce texte et suis heureux de le relire de temps en temps, de le méditer et de le partager ce soir.

Joyeux Noël à tous.

"Ami d’Henry Gabrielle, Ami venu d’ailleurs, Ami sur tes pieds, Ami blessé à cœur, Ami en quête d’Âme, Ami tu as bien fait ce soir de t’arrêter ici.


Car ici, en ce soir où la nuit est épaisse, se tient la cathédrale du monde, monument de la Foi, où dans leurs fragilités immenses, Dieu et l’homme se sont donnés rendez-vous : Le Dieu des abîmes insondables a choisi pour demeure un ventre de femme, une parole de juste et une mangeoire d’animaux.


Et le berger innombrable qui de tout temps veille la nuit sur notre terre s’est rendu à Bethléem, à la maison du Pain, ici même, pour voir la manière qu’avait Dieu de sauver le monde en s’immisçant dans nos failles et nos fractures : une Parole entendue au plein cœur de la nuit, une Parole d’Ange, une Parole impossible se donne à voir ce soir dans un nouveau né, et sa mère Marie, et son père Joseph, dans la plus ordinaire de toutes les naissances :


Gloire à Dieu, Paix aux hommes, Joie du Ciel sur la Terre.


Ami Berger venu ce soir à la Nouvelle,
Ami Berger venu ce soir à la Naissance,
Ami Berger venu ce soir à l’Espérance
Ami Berger, je t’en prie, ne repars pas les mains vides, car ce soir la Nouvelle est celle-ci :


C’est du cœur même de ta faiblesse, de ce fauteuil ou de ce lit, de tes larmes ou de ta déception, c’est du cœur de ce que tu as perdu de plus cher : -tes membres, ta voix, l’être aimé, et même le Dieu de ta Foi-, c’est là précisément que tu as rendez-vous ce soir avec la Vie :
Ce caillou qui te gêne, ce boulet que tu traînes, cette pierre qui t’écrase…voilà le Rendez-Vous.
Ta vie ici aujourd’hui où la parole se glisse pour te dire « bien aimé », comme l’Enfant s’est glissé un soir à Bethléem dans l’infinie discrétion et l’infinie faiblesse.
Voici, ami berger venu à la Nouvelle, voici ta naissance qui vient au jour : cette pierre, ce caillou, ce boulet, peut devenir le socle, la pierre d’angle, et comme la première pierre d’une construction nouvelle : aujourd’hui, ce soir même où tu entends la Parole qui a traversé les galaxies, les siècles et les épaisseurs humaines, oui, ce soir-même, cette Parole t’appelle à Naître comme est né un fils d’Homme à Bethléem : avec cette pierre que tu crois être devenu pose la première Pierre de la vie encore inconnue qui s’ouvre devant toi.


Pour bâtir la maison chante le Psaume :
« La Pierre rejetée des bâtisseurs est devenue la Pierre d’Angle ».


Ami Berger de cette nuit, cette Parole du psaume a traversé les prières de millions d’hommes et de femmes pour trouver écho en toi ce soir : et s’ils sont venus jusqu’à toi ces mots-là, cette Parole là précisément, c’est peut-être parce que l’enfant de Bethléem devenu l’homme de Nazareth et le crucifié de Jérusalem, Jésus le Ressuscité, Jésus Fils de l’Homme et fils de Dieu a accompli le 1er le parcours qui conduit de la pierre qui blesse à la pierre angulaire où s’accroche toute la Cathédrale.

Ami Berger d’Henry Gabrielle, si ce soir tu jettes à la corbeille le Dieu des illusions, le Dieu des tout-puissants, le Dieu des guérisons miraculeuses, le Dieu qui se passerait de la fragilité humaine pour construire l’homme, si ce soir tu crois que Dieu s’est abaissé jusqu’à toi et se tient exactement à hauteur des tes yeux en chaque regard d’Amour échangé, en chaque geste de soignant, en chaque sourire que tu donnes et reçois, en chaque visiteur que tu accueilles, en chaque parole que tu offres à qui tend son oreille vers toi…


Oui, si tu crois en l’aventure de Jésus de Nazareth, échu du Père, risqué dans l’humanité, rompu dans le Pain, élevé sur la Croix, enfoui au tombeau, ressuscité en chaque Berger témoin de la vie qui vient à l’homme,
Alors, oui, si tu crois cela, s’accompliront pour toi la Parole d’Isaïe et de Paul entendue tout à l’heure :


« On ne t’appellera plus « Délaissé », mais « celui qui est désiré », et par Grâce tu possèderas l’héritage de la Vie Eternelle.

Ami Berger, viens, vois, reçois ce caillou qui va t’être remis : garde le dans ton trésor ; il te gêne aujourd’hui, prends le pour construire demain."



Hôpital Henry Gabrielle (St Genis –Laval), Noël 1998.

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